Instinct 1 by Villeminot Vincent

Auteur:Villeminot Vincent [Vincent, Villeminot]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse, lu
ISBN: 9782092023143
Éditeur: Fernand Nathan
Publié: 2011-04-06T22:00:00+00:00

26. ACCUEILLIR

Ils coururent avec Shariff, abrités sous leurs blousons à capuche. La pluie était de la partie ce jour-là. Et quand elle s’installe, à ces altitudes, le plafond peut rester bloqué quelques jours.

— Moi, je m’en fous, j’ai l’habitude d’être immergé…

Shariff paraissait incapable de lâcher l’affaire une minute, il faisait sans cesse référence à sa double nature – l’exact inverse de Flora. Flora qui n’en avait pas dit davantage, au cours de leur brève conversation d’après-séance. Flora qui semblait vouloir fouiller dans les secrets de la vie de ses amis, sans jamais offrir de révélations en échange.

— Ben, moi, j’ai plutôt le poil épais, je ne crains pas les intempéries… Et Flora ?

Shariff s’arrêta, malgré la pluie.

— Flora ? Il convient de dire que c’est un sujet épineux. Elle t’en dira plus si elle veut, et quand elle voudra. Mais je te préviens, mon pote : ça risque de prendre du temps, et ne t’avise pas d’essayer d’en savoir plus sans qu’elle l’autorise… Elle sort ses crocs, dans ce cas.

Un clin d’œil. « Ses crocs… » ? Allusion à une espèce précise, ou simple jeu de mots ?

— Tout à l’heure, j’ai frappé à la porte de sa chambre, et on aurait dit que j’avais commis un crime d’État.

— Tu ne peux pas dire mieux… Flora ne supporte pas qu’on pénètre dans sa piaule, et pas davantage qu’on regarde un de ses ordis, pendant qu’elle bosse. Ça, ce sont des espaces cloisonnés, interdits. Et si tu poses une question, lu n’auras jamais de réponse… La seule option, c’est qu’elle te donne ses réponses au moment où tu ne lui demandes rien, quand elle l’aura décidé ; ou qu’elle te confie une clé de sa chambre, un jour, sans prévenir…

— Tu… Tu as une clé, toi ?

— Je veux, mon pote ! Bon, on continue de se faire saucer ? J’aimerais bien essayer de passer au moins la moitié de ma vie au sec.

Ils reprirent leur course.

Il y avait déjà une petite dizaine d’anthropes dans l’immense étage de littérature générale et comparée. Ils chuchotèrent entre eux, quand Tim entra : certains n’avaient pas encore aperçu le fameux nouveau, celui qui avait été traqué par les chasseurs sous le col de Bénand. Le jeune homme était une célébrité, pour l’instant, plutôt qu’un compagnon de vie, de travail.

Shariff le planta devant une table et partit faire sa cueillette du jour dans les rayonnages ; il revint avec une demi-douzaine d’ouvrages dans les bras.

Bon, on va commencer. Il me reste quatre heures avant mon retour à marée haute. Je t’explique ?

Paul Hugo, « saint Paul », comme disait Shariff, n’était pas là. Mais on n’avait besoin de personne, quand on avait pour guide le maître zen des sept mers. La démarche était simple, en apparence : accueillir. Accueillir des histoires. S’ouvrir à elles, les embrasser, sentir ce que ressent le narrateur, le protagoniste principal. Et chaque personnage. Entrer en empathie.

— Le génial professeur veut savoir comment tout cela survient. Saint Paul aimerait comprendre pourquoi.

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